| |
 |
| |
Bonjour à tous et toutes.
Al'occasion des fêtes de Noël, il n'est pas rare de voir surgir, extirpés du fin fond de notre mémoire, des contes que certains vous proposent......avec plaisir.
Un Montaner peu en cacher un autre.......aujourd'hui, c'est René, le benjamin de la famille.....né, lui aussi Porte de Canastel, sous le puentécico !
Ce texte, présenté en primeur à ses amis de l'AEEMO, écoles de la Marine....il vous le propose, avec grand plaisr.
D'autres textes de lui sont " au chaud".....je vous les servirai un peu plus tard
Amitiés à tous
Guy
La dinde de Noël
--------*--------
La fête de Noël approchait à grands pas.
Dans chaque maison, l’heure était enfin arrivée de faire les derniers achats qui serviraient à la préparation du traditionnel repas de Noël.
Comme chaque année, ma mère se rendit au Marché « Honscott » situé à proximité de la place de la Perle, afin d’y acheter des légumes, des fruits, des œufs et de la charcuterie fine, mais aussi et surtout, pour prendre livraison d’une dinde vivante, qu’elle avait pris la précaution de commander, plusieurs semaines à l’avance, à son marchand de volailles habituel.
Comme le poids et le volume de tous ces achats lui paraissaient trop important pour elle toute seule, elle me demanda de l’accompagner, dans l’unique but de prendre en charge, l’encombrant gallinacé.
A priori, cette mission ne me plaisait guère car, du haut de mes 10 ans et encore en culotte courte, je craignais, mais sans trop l’avouer, que cette volaille, dans un mouvement de panique ou de défense, tente de se dégager de ma prise et se mette à me piquer les jambes avec son bec acéré ou me blesse des griffes et ergots de ses pattes.
Finalement, je réussis à bien m’acquitter de cette tâche en la transportant, tête en bas
les deux pattes bien ficelées.
Arrivé sur la terrasse de l’immeuble où nous habitions et qui se situait au n°1 de la rampe de Madrid, à Oran, nous prîmes nos dispositions pour l’attacher solidement à une rampe en fer qui servait de garde fou à un petit muret de protection d’où nous dominions toute la place Kléber.
Tous Les habitants du quartier de la Marine connaissaient bien cette petite place circulaire avec ses trois palmiers dattiers qui s’élevaient presque aussi haut que les toits et terrasses des immeubles qui l’entouraient.
Après deux jours d’une longue attente, l’heure du « sacrifice » arriva. Ma mère, qui d’ordinaire supportait très mal de voir souffrir les animaux, pris ses dispositions pour que l’opération soit la plus brève possible. Pour ce faire, un grand récipient d’eau chaude bouillait déjà sur le feu et, la lame du plus grand couteau de cuisine que nous possédions, avait été affûtée comme le fil d’un rasoir.
A l’heure « H », le couteau de ma mère tomba sur le cou de cette dinde, tandis que, de mon coté, j’essayais de la maintenir immobile, le plus fortement possible..
Le sang jaillit avec une telle force que j’en fus complètement aveuglé et renversé ! A peine le temps de voir que la tête avait bien été tranchée que, déployant alors violemment ses ailes, la volaille m’échappa et se mit à courir dans tous les sens, éclaboussant de son sang tout sur son passage avant que, dans un dernier effort, elle ne réussisse à prendre son envol !
Incroyable
la dinde qui avait « perdu la tête ! » se mit à voler jusqu’à l’un des palmiers de la place où elle se posa, juste au-dessus d’un régime de dattes.
La scène, bien entendu ne passa pas inaperçue car il n’était pas loin de Midi et il y avait, à cette heure là, beaucoup de monde sur la place et tout autour de celle-ci.
De notre côté, nous étions complètement affolés, ne sachant plus que faire et où donner de la tête !
Ma mère,du haut de la terrasse,faisait de grands gestes et poussait de grands cris
dans l’espoir que la dinde l’entendrait .Mais comment imaginer que la pauvre bête pourrait nous voir ou nous entendre, alors que sa tête était restée sur la planche à découper !
Les chauffeurs de taxis qui stationnaient tout autour de la place se mirent à faire usage de leur klaxon, pensant eux aussi,que le volatile finirait bien par avoir peur
et ainsi, retomberait sur la terre ferme.
A leur tour, le planton de l’ancienne préfecture aidé en cela par l’agent de la circulation du carrefour,se postèrent sous le palmier et s’interrogèrent longuement,sur l’intérêt ou pas de faire usage de leur arme de point !
Le risque de voir une balle perdue atteindre une cible imprévue, les en dissuada et tout le quartier, du sol aux balcons, en passant par les fenêtres, n’avait d’yeux, que pour cette pauvre dinde décapitée !
L’idée d’utiliser des frondes que nous appelions « des stacks ! » fut également évoquée mais abandonnée, pour la même raison que pour les armes à feu.
Mais alors, comment faire enfin, pour déloger cette « gourde de dinde ! » sans prendre le moindre risque pour les biens et les personnes?...
Le Préparateur de la Pharmacie « Hugonnencq » qui, comme tous les autres commerçants de la place, étaient sortis sur le trottoir, suivait avec une particulière attention le déroulement et l’évolution de la situation ;bien entendu,il se tenait prêt à intervenir,en cas de besoin
conscience professionnelle oblige !
C’est alors que
le petit cireur de chaussures de la porte de Canastel
vous savez bien !...celui dont j’ai déjà eu l’occasion de parler dans une anecdote précédente
eut une idée géniale !
« - il faut
dit-il, demander au planton de la Préfecture d’actionner la sirène de l’alerte pour incendie
et, tu verras
je suis sur que dans 10 minutes, les Pompiers seront là avec la grande échelle !
».
il avait raison !
Une fois l’alerte donnée, on ne tarda pas à entendre retentir les premiers « Pin..Pon..Pin..Pon
» qui descendaient par la rue Philippe
.
Un renfort de policiers était venu sur place !... prêter main forte, car la circulation commençait à être sérieusement perturbée.
La rumeur circulait qu’un palmier de la place risquait de tomber à tout moment, suite à un choc violent qu’il venait de subir de la part d’un gros rapace qui se trouvait encore prisonnier dans l’arbre !!!
Quelle histoire !...on se serait cru à Marseille
mais avec l’accent en moins !
Enfin, « le Camion Amiral de la flotte des Sapeurs Pompiers d’Oran!» arriva, avec la grande échelle.
Pour tous les enfants du quartier ,c’était un peu Noël avant l’heure ; beaucoup parmi les plus petits ,avaient en effet,commander des camions et des panoplies de pompier ,au Père Noël.
De mémoire d’anciens, personne ne se souvenait d’avoir vu un jour, un aussi beau matériel !
Une fois la grande échelle déployée, deux sapeurs en gravirent les marches très rapidement et, arrivés tout prés du sommet de l’arbre, ils lancèrent sur la dinde une sorte de petit filet circulaire qui l’enveloppa et l’immobilisa définitivement.
La dinde ainsi capturée, il ne nous resta plus alors qu’à la préparer, pour la fameuse nuit de Noël
en priant Dieu
qu’elle n’ait point perdu ,après toutes ces épreuves et autres émotions,la finesse et la tendresse de sa chair.
Alors
chers amis
même si, à ce moment précis de l’histoire, vous n’êtes plus obligés de croire au père Noël ! il faut quand même que je vous dise que, après la messe de Minuit célébrée au Patronage de la rue de l’Arsenal, toute notre petite famille se trouva réunie autour d’une belle table où de multiples bougies brillaient jusque dans nos yeux.
Enfin, lorsque ma Mère arriva de la cuisine, portant sur son plus beau plat de Fête, la fameuse dinde aux marrons qu’elle avait préparée si délicatement, chacun comprit que quelque chose de mystérieux venait sans doute, de se produire.
En effet, pendant que nous étions partis à la Messe de Minuit, « la dinde aux marrons » s’était, par une mystérieuse alchimie, transformée en « une dinde aux cœurs de palmier et aux dattes confites ! »
Etait-ce là, les doux fruits de ces trois palmiers de la jolie petite place Kléber de la Marine ?
Difficile de le savoir mais, quoiqu’il en fût
je crois que chacun vit là, un miracle de Noël
et un signe du destin.
René Montaner
Ps : une grande partie de ce texte est rigoureusement « authentique ».
@ Pour tout emprunt de photos, veuillez contacter son proprietaire. Merci.